Policier du renseignement : un métier de l’ombre

police nationale

Le métier de policier en service de renseignement fait rêver parce qu’on l’associe souvent aux missions secrètes, aux surveillances et filatures ou encore aux infiltrations sous fausses identités. Quelle est la réalité ? Quelles sont les missions d’un policier du renseignement ? Comment être recruté ?

Thomas*, commandant de police, qui a eu la chance d’intégrer les « renseignements » dès la sortie de l’école de police. Après une 1ère expérience professionnelle dans le secteur bancaire, Thomas* opère une reconversion dans l’univers policier. Il sera officier de police et dès son premier poste, il intègre un service départemental des renseignements généraux. Depuis, les affectations se sont succédées tout en lui permettant de rester dans cet univers.

Actuellement, il exerce dans une antenne départementale du service central du renseignement territorial (SCRT). C’est l’un des deux services de renseignement du ministère de l’Intérieur, l’autre étant la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).

Quelle est la différence ? « Ces deux services sont nés de la réforme des services de renseignement intérieur, opérée en 2008 et ont succédé aux mythiques direction de la surveillance du territoire (DST) et des renseignements généraux (RG). Ils œuvrent sur le territoire national dans des domaines spécifiques, avec toutefois un engagement commun dans la lutte contre le terrorisme et la prévention de la radicalisation. Le SCRT se veut être un service de renseignement en connexion avec le terrain et les problématiques du quotidien » explique-t-il.

Passionné par son métier, qu’il définit comme « enrichissant humainement et intellectuellement, et supposant une part de curiosité pour le vivre pleinement », Thomas lève une partie du voile sur les idées reçues de son métier.

* NDLR : pour des raisons de sécurité, nous avons modifié l’identité du policier.

Policier du renseignement : un métier de l'ombre

Après des études en droit privé et en management, puis quelques années dans le secteur bancaire, Thomas réussit le concours d’officier de police et est affecté, dès la sortie d’école, en service de renseignement. Aujourd’hui chef de section au sein d’une antenne départementale du service central de renseignement territorial (SCRT), il dirige l’activité de son équipe et assure toujours les missions sur le terrain.

Pourquoi être passé du milieu bancaire à la police ?

Un peu naïvement, je répondrais que c’était un rêve de gosse. Comme beaucoup de garçons de mon âge, je jouais au policier étant petit. Si pour certains, ça leur est passé… moi c’est resté ! J’ai toujours eu cette idée en tête, et j’ai suivi des études universitaires pour me préparer aux concours de police.

Un stage, puis un 1er emploi à la fin de mes études m’ont écarté de cette voie. Mais l’ennui m’y a vite ramené, convaincu que policier était le métier que je voulais exercer. Je suis donc rentré tardivement dans la police (peu avant 30 ans). Une grosse remise en question, tant personnelle et que professionnelle. Mais je ne regrette pas.

Vous avez été affecté directement en service de renseignement à la fin de votre scolarité. Vous avez été repéré pour des connaissances particulières ?

Comme tous les officiers de police de ma promotion, j’ai choisi mon affectation en fonction de mon rang de classement à la fin de ma scolarité. Celui-ci m’a permis d’opter pour un poste en service de renseignement opérationnel, ce à quoi j’aspirais. Je n’avais aucune compétence technique ni connaissance particulière. Je me suis donc formé sur le tas, au côté de mes collègues, et en stages de formation. Aujourd’hui, le principe du classement perdure. Ensuite, il faut passer l’étape de l’habilitation au secret défense, indispensable à toute affectation en service de renseignement.

En quoi consiste votre métier ?

On divise habituellement le renseignement en deux catégories : le renseignement en milieu ouvert et le renseignement en milieu fermé.

Dans le premier, les agents agissent sous leur identité et qualité de policier. C’est le cas
notamment dans le suivi de l’activité économique et sociale, où les policiers se présentent
comme tels à leurs contacts (chefs d’entreprise, institutionnels etc.), ou lors de la sécurisation de déplacements officiels de personnalités.

Dans le deuxième, ils agissent dans l’ombre. Leur sphère de compétence est principalement la prévention de la radicalisation, le suivi des mouvements contestataires violents, le suivi des quartiers et la lutte contre l’économie souterraine ou encore le suivi des dérives sectaires et le hooliganisme.

Leur mission est de recueillir tous renseignements utiles, non accessibles à tous, par tous moyens techniques et humains à leur disposition. Ils travaillent dans l’anonymat et la plus grande discrétion. Ils effectuent notamment des surveillances et filatures, avec souvent des prises de photographies. Ils ont accès à un panel de techniques de renseignement, strictement encadrées, comme les écoutes téléphoniques.

Enfin, la part la plus intéressante et enrichissante professionnellement à mes yeux, reste le
renseignement humain. Ce que l’on appelle dans le jargon populaire, « les indics ».

Au risque d’en décevoir certains, l’agent du SCRT ne passe pas sa vie entre deux vols, voire aux commandes d’un hélicoptère, et les véhicules du service ne sont pas des Aston Martin !

La zone de compétence du SCRT reste celle du territoire national. Toutefois, comme tous services de renseignement, le SCRT entretient des relations avec les services de police et de renseignement extérieurs, ainsi qu’avec les services de coopération internationaux.

Comment devient-on policier du renseignement ?

Les agents de renseignement du ministère de l'Intérieur sont pour la plupart des policiers, issus des différents corps de la police (gardiens de la paix et gradés, officiers, commissaires de police etc.).

Les agents peuvent être recrutés en sortie d'école de police ou au choix de l'élève selon son
classement (ndlr : le major de promotion nationale se verra affecté sur le poste de son choix). Ensuite, chaque fonctionnaire peut postuler, au cours de sa carrière, lors d'ouvertures de postes. Aucun parcours professionnel n'est privilégié (investigation, voie publique etc.), seul le profil du candidat fera la différence.
 

« Ce métier exige de la curiosité, un grand sens de l'initiative, de la persévérance, un esprit de synthèse et d'analyse, des qualités humaines. »

Thomas, chef de section au sein d'une antenne départementale au SCRT

Il faut aussi avoir un certain goût pour l'écriture car celle-ci tient une part non négligeable dans notre quotidien. En effet, le métier du renseignement, c'est aussi savoir transmettre, bien souvent par écrit, les éléments parfois durement collectés.

Face à un besoin grandissant d'expertise dans certains domaines, des recrutements sur contrat sont également effectués (analystes, techniciens, linguistes etc.).

Quels conseils donnerais-tu à une personne voulant travailler dans le renseignement ?

C'est un métier passionnant, riche et varié. Il est parfois méconnu, tant des collègues que des candidats externes. Je ne peux donc que leur recommander de venir au contact des agents qui l'exercent pour le découvrir davantage. C'est toutefois plus facile pour les premiers, pour lesquels ces services, par essence hermétiques, restent plus accessibles au quotidien.

Sans d'ailleurs le savoir, leurs missions ont souvent un lien avec les intérêts de ces services. Ils sont, à leur niveau, un élément du renseignement de terrain. Certains collègues affichent de réelles dispositions, se montrant curieux et à l'aise dans les relations humaines, qualités indispensables à ce métier. Ils ne doivent donc pas hésiter à se faire connaître de leurs collègues locaux.

Pour les candidats externes, je les renvoie vers le correspondant recrutement de leur lieu de
résidence, qui sera à même de les aiguiller, voire de les renseigner sur ces métiers, ou vers la page « Objectif Police ».

Même s’il est évident que la routine n’a pas sa place dans ton service, quelle serait une journée type dans un SCRT ?

Difficile de répondre à cette question. Les journées d’un agent du SCRT sont rythmées par l’actualité (événements de voie publique, déplacement officiel…) mais également par la vie de ses dossiers, notamment lorsqu’il y a lieu de suivre un ou des objectifs particuliers.

De mon côté, en tant que chef d’unité, mon activité est principalement tournée vers le
management de mon groupe. Si chacun dispose d’une grande autonomie, ce métier exige
également de travailler en groupe, une grande coordination et une communication au sein des équipes. La journée de travail d’un agent est donc partagée entre le travail de terrain et de bureau, l’un étant indispensable à l’autre. Et inversement !

Peux-tu partager avec nos lecteurs un souvenir marquant de ta carrière ?

Quand je me replonge dans mon passé, je ne peux que repenser à mes premiers dispositifs
opérationnels de nuit, dans certains quartiers sensibles d’Île-de-France. 

« À tout ce stress dans l’instant, cette adrénaline, mais aussi à cette grande satisfaction du devoir accompli ressenti par tous, sur le chemin du retour au service. »

Thomas, chef de section au sein d'une antenne départementale au SCRT

À mes premières erreurs, qui auraient pu être dommageables, mais finalement qui nous ont bien fait rire au moment du débriefing. Je ne pourrai jamais oublier tous ces moments vécus lors de ma première affectation.

En dehors de ta vie professionnelle, quels sont tes hobbies ?

Le sport, et notamment le course à pied, pratiquée avec mes collègues ou en famille. Les voyages et les découvertes à pied, à moto ou en voiture (j’aime les belles mécaniques allemandes etc.). Je regrette de ne pas prendre plus de temps pour lire. Je suis actuellement des cours de pilotage et espère décrocher mon brevet de pilote avion d’ici peu…

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